Droit de grève dans la fonction publique

Droit de grève dans la fonction publique :

Qui ? Quand ? Comment ? Où ? Ça coute combien ?

Secteur public : qui peut faire grève ?

Tous les travailleurs du secteur public, qu’ils soient fonctionnaires titulaires ou stagiaires, et les salariés de droit privé, en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée déterminée, sont soumis à l’article 7 du préambule de la Constitution française qui reconnaît à tous le droit fondamental de faire grève.

Dès lors qu’un préavis de grève a été déposé, tout agent peut se mettre en grève, qu’il soit ou non syndiqué ou qu’il soit syndiqué dans une autre organisation que celle qui a déposé le préavis. Cela implique que si une organisation syndicale dépose un préavis pour une journée, une autre le lendemain, une troisième pour la semaine : l’agent choisi la période durant laquelle il souhaite se mettre en grève, pourvu qu’elle soit couverte par l’un de ces préavis.

(Il n’existe que de rares exceptions à cette règle : les policiers, les CRS, les militaires, les personnels de l’administration pénitentiaire, les personnels des transmissions du Ministère de l’Intérieur, et certains magistrats n’ont pas le droit de se mettre en grève.)

attention :

La « grève perlée » qui consiste à prendre son service mais à ralentir son travail ou à exécuter son travail de manière partielle ou défectueuse, est interdite.

La « grève du zèle » consiste à appliquer minutieusement toutes les consignes de travail et à exécuter avec un perfectionnisme exagéré les tâches confiées, ce qui a pour effet de ralentir ou de rendre impossible l’activité. Cette forme de grève est interdite par les juges ce qui est très contestable car si l’application minutieuse des consignes de travail rend impossible l’activité, cela signifie que ce sont les consignes qui sont inopérantes et cela ne devrait en rien constituer une faute de l’agent.

La « grève tournante » est la cessation concertée de travail à tour de rôle entre les différentes catégories de personnel dans le même service ou différents services dans le même organisme (Exemple : collecte des ordures ménagères avec une grève des conducteurs le matin, et une grève des ripeurs l’après-midi). Ce type de grève est interdit dans le secteur public sauf exeption

 

Le préavis

Pour que les travailleurs du secteur public puissent se mettre en grève il est indispensable qu’un préavis de grève ait été déposé par un syndicat.

Ce préavis est déposé par les organisations syndicales considérées comme représentatives au niveau national dans la catégorie professionnelle ou dans l’entreprise, l’organisme ou le service intéressé.

Il doit être déposé 5 jours francs (c’est un délai qui se compte en jours calendaire, qui commence à courir le lendemain à zéro heure et expire le dernier jour à minuit) avant le début de la grève, auprès de l’autorité hiérarchique ou de la direction (maire, directeur de l’administration, ministre…). Il précise le champ géographique, l’heure et la date de début ainsi que la durée limitée ou non du préavis, et la fin de la période de grève, ainsi que les revendications ou motifs de recours à la grève.

Les travailleurs ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis : ils peuvent faire grève sur une période plus courte que ce qu’il prévoit.

Pendant la durée du préavis, syndicats et direction sont tenus de négocier sur les revendications posées par les syndicats.

 

Recensement des grévistes / déclaration préalable / « Service minimum »

En principe, l’agent ou le salarié n’a pas à prévenir son administration ou employeur de sa décision de se mettre en grève avant que celle-ci ne débute. C’est à l’autorité ou à l’employeur concerné d’établir l’absence du travailleur lors de la grève. Cela peut se faire par divers moyens : relevé des agents ou salariés présents par le chef de service, établissement d’une liste d’émargement, relevé des pointeuses…

Cependant il existe de plus en plus d’exceptions. Certaines catégories de personnel ont un droit de grève limité par la loi afin d’assurer un « service minimum ». Par exemple : les agents hospitaliers, les agents de la navigation aérienne et les agents du service public de l’audiovisuel… Ces limitations constituent des atteintes au droit de grève des fonctionnaires.

Que peut faire un agent durant le droit de grève ?

Un agent en grève est un agent qui n’est pas en service, cela lui permet donc d’être libre de tout mouvement. Il peut donc aller manifester, être en heure d’information syndicale etc… sans que le responsable de service ne puisse l’en empêcher.

Il lui est cependant interdit d’empêcher le service de fonctionner.

 

Les effets de la grève sur la rémunération

Le fait d’être en grève ne peut donner lieu à sanction disciplinaire. En revanche, la rémunération ne sera pas versée car elle n’est due qu’après service/travail fait.

La déduction concerne la rémunération de base ainsi que toutes les primes. Sont en revanche exclus de la retenue les avantages familiaux et les indemnités liées au logement.

Pour les agents de l’État, la retenue se fait selon la règle du trentième indivisible. Pour chaque journée ou même pour chaque fraction de journée non travaillée, 1/30ème du traitement mensuel est retenu. Ainsi, si vous avez été absent pour grève quelques heures ou une journée, 1/30ème du traitement sera retenu.

Tous les jours compris dans la durée de la grève sont retenus (ainsi, si vous faites grève du lundi au lundi suivant, les journées du samedi et du dimanche vous seront retenues). Cela est valable pour les week-ends, les RTT, les jours fériés etc. Selon la même logique, un agent à temps partiel devant travailler par exemple le lundi et le mardi puis le jeudi et le vendredi mais s’étant déclaré gréviste du lundi au vendredi se verra déduire 5×1/30ème de son traitement.

En revanche, si avant que le préavis de grève ne soit déposé, le salarié gréviste avait posé des jours de congés annuels qui tombent pendant la grève, ces jours de congés doivent lui être rémunérés normalement.

En principe, les cotisations sociales et retraite au titre des heures de grève ne sont pas versées aux caisses collectrices, ce qui signifie que les heures de grève ne sont pas prises en compte pour les droits à la retraite.

Dans tous les cas, la mention « grève » ne doit jamais être indiquée sur le bulletin de paie. Une autre mention doit figurer comme « service non fait » ou « service non rémunéré » .

 

Ai-je droit au maintien de ma rémunération si je fais grève ?

Pour les agents publics, il n’existe juridiquement aucun texte sur le paiement des jours de grèves, ce dernier étant le résultat des négociations obtenues localement entre l’employeur et les organisations syndicales. Il est bien évident que suivant le rapport de force, l’issue de la négociation sera plus ou moins probante, mais cette question doit, quoiqu’il en soit, être toujours posée lors des conditions de reprise du travail à l’issue d’un conflit social. Les négociations peuvent également aboutir à un étalement des retenues du traitement ou salaire.

Peut-on sanctionner un travailleur gréviste ?

Il est impossible de sanctionner un agent en raison de l’exercice normal de son droit de grève. La grève étant un droit, elle ne peut constituer une faute.

La sanction pécuniaire des retenues pour fait de grève est donc la seule conséquence possible de la grève.

L’agent ne pourra être sanctionné pour des faits commis pendant un mouvement de grève qu’en cas d’agissement grave, en lien avec le service public (exemple : injures prononcées à l’encontre de son supérieur hiérarchique).

Quels sont les effets sur l’avancement d’échelon et de grade ?

Les périodes de grève sont sans effet sur les droits à l’avancement de grade ou d’échelon.

La Réquisition

La réquisition oblige les travailleurs grévistes à reprendre leur travail. Les salariés/agents grévistes peuvent être réquisitionnés uniquement par le préfet. Cette réquisition est strictement encadrée par la loi.

Sur la forme, la réquisition doit être prise par un arrêté préfectoral, qui doit être motivé et contenir différentes mentions obligatoires (nature des prestations requises, durée de la réquisition, modalités d’application).

Par ailleurs, la réquisition doit être justifiée par l’urgence, et une atteinte à l’ordre public. Elle doit être proportionnée et ne peut pas être décidée lorsqu’il existe d’autres alternatives. De même, lorsque les salariés/agents non grévistes sont en nombre suffisant pour assurer le maintien de l’ordre public, les réquisitions ne sont pas possibles. La réquisition ne peut ainsi pas avoir pour effet de mettre en place un service normal.

Il est possible de saisir le juge administratif pour faire cesser en urgence une réquisition illégale.

Désignation / notification

De manière tout à fait scandaleuse et contraire à la Constitution française, les juges administratifs français ont admis la possibilité d’une désignation. La désignation est un autre moyen d’empêcher des salariés de faire grève dans le secteur public. Il s’appuie en effet sur le principe de continuité du service public. Ainsi, en vertu d’une jurisprudence Dehaene de 1950, un chef de service peut procéder à la désignation des emplois nécessaires à la continuité du service public.

Cette possibilité est une création des juges, il n’y a donc pas de règle dans la loi fixant la procédure devant être suivie par le chef de service. Certaines règles ont été néanmoins posées par le juge administratif. Ainsi, la désignation n’est évidemment pas justifiée si le service est déjà assuré par des employés non grévistes.

La désignation doit être motivée et notifiée aux agents concernés.

Attention, les désignations peuvent faire l’objet de nombreux abus. Il faut garder en tête que : seuls les agents/salariés indispensables à l’exécution des obligations du service minimum peuvent être désignés, seuls les salariés travaillant dans les services qui correspondent à une mission de service public peuvent être désignés, il doit y avoir une situation d’urgence, le nombre de désignés doit être restreint au strict minimum nécessaire au fonctionnement d’un service minimum, la désignation doit correspondre à une nécessité d’ordre public.

Si la désignation est justifiée, les agents qui refusent de s’y soumettre sont passibles de sanctions disciplinaires.

Il est possible de saisir le juge administratif en urgence pour faire cesser une désignation illégale.

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